🍼 L’effet des lactoremplaceurs riches en protéines sur les veaux Blanc-Bleu Belge : ce que révèle une étude de 600 animaux

Les éleveurs de veaux de races allaitantes, comme le Blanc-Bleu Belge, font souvent face à des défis nutritionnels complexes. Contraints par l’impossibilité d’allaiter naturellement tous les veaux et par les coûts de production, le recours aux lactoremplaceurs industriels est devenu courant. Mais quelles performances peut-on attendre d’un lactoremplaceur enrichi en protéines ?

Une étude menée par RumeXperts sur plus de 600 veaux BBB et 140 vaches en gestation apporte des réponses concrètes.


🎯 Objectif de l’étude

L’étude visait à comparer :

  • deux formules de lactoremplaceurs,
  • deux volumes de distribution,
  • et un allaitement naturel (groupe témoin),

afin de mesurer l’impact sur la croissance (GMQ) et sur des biomarqueurs sanguins liés à la santé métabolique des veaux.


🧪 Méthodologie

🧬 Population étudiée :

  • 600 veaux BBB de 20 fermes wallonnes (Belgique).
  • 140 vaches gestantes suivies en parallèle.

🍼 Groupes expérimentaux :

  1. Lactoremplaceur conventionnel (21,5 % PB, 18 % MG) – 3L ou 4L / 2x jour.
  2. Lactoremplaceur haute protéine (27 % PB, 16,5 % MG) – 3L ou 4L / 2x jour.
  3. Allaitement naturel ad libitum sur la mère (25 % PB en moyenne).

🐄 Tous les veaux recevaient en complément un aliment starter (16 % PB) et de l’eau ad libitum. Un suivi de poids à la naissance et au sevrage (env. 106 j) a été réalisé, avec calcul du GMQ. Des échantillons sanguins ont été collectés à 5 âges différents.


📈 Résultats principaux

➤ Performances de croissance (GMQ)

Groupe GMQ moyen (kg/j) Observations
Mère (ad libitum) 0,87 ± 0,29 Meilleure performance globale
Lactoremplaceur conventionnel – 3L 0,61 ± 0,14 Performance plus faible
Lactoremplaceur conventionnel – 4L 0,71 ± 0,15 Plus de volume ≠ meilleur résultat
Lactoremplaceur haute protéine – 3L 0,77 ± 0,23 Performance proche de la mère
Lactoremplaceur haute protéine – 4L 0,80 ± 0,18 Résultat optimal

👉 Les lactoremplaceurs riches en protéines permettent de se rapprocher très significativement de la croissance observée en allaitement naturel, à condition d’en assurer une distribution suffisante (4L/jour).

➤ Biomarqueurs sanguins

Les analyses de 13 biomarqueurs (albumine, urée, cholestérol, BHB, etc.) ont révélé :

  • Albumine : marqueur du métabolisme protéique et de la synthèse hépatique. Les veaux nourris avec le lactoremplaceur haute protéine ont atteint des concentrations moyennes en albumine nettement supérieures (jusqu’à 31,5 ± 2,4 g/L) comparées aux groupes conventionnels (autour de 27 g/L), confirmant une meilleure assimilation des protéines et un métabolisme plus mature.
  • BHB (bêta-hydroxybutyrate) : marqueur de la mise en route de la fermentation ruminale. Les concentrations ont augmenté significativement à partir de la 10e semaine d’âge, dépassant le seuil de 250–300 µmol/L dans les groupes recevant des lactoremplaceurs enrichis, ce qui indique une stimulation plus rapide de la fonction ruminale. Ce phénomène est essentiel à la transition vers l’alimentation solide.
  • Autres paramètres : une augmentation du cholestérol et des NEFA avec l’âge, principalement chez les veaux sous régime hyperprotéiné, a été observée. Les enzymes hépatiques (GLDH, CPK) ont montré une élévation modérée sans signes de pathologie hépatique.

🔬 Autres observations

  • Lien mère/veau : La concentration en albumine de la vache gestante était fortement corrélée à celle de son veau à la naissance (R² = 0,58), suggérant un effet transgénérationnel.
  • Eau potable : 60 % des eaux analysées dans les fermes n’étaient pas potables, ce qui pourrait impacter indirectement la santé digestive des veaux.
  • Fermentations ruminales : Une augmentation du BHB (>250 µmol/L) indiquait l’installation progressive de la fonction ruminale à partir de la 10e semaine.

✅ Conclusion pratique

Cette étude démontre que les lactoremplaceurs à >26 % de protéines brutes permettent d’optimiser la croissance des veaux Blanc-Bleu Belge, en approchant les performances de l’allaitement naturel. Pour obtenir ce bénéfice :

  • Il est crucial d’assurer un volume suffisant (≥6 L/jour).
  • L’origine des protéines (laitière ou végétale) importe moins que la qualité globale du profil nutritionnel.
  • Le suivi des biomarqueurs permet de vérifier en continu l’impact de l’alimentation sur la santé métabolique.

💬 Discussion : comment ces résultats s’inscrivent dans la littérature

Les résultats de l’étude RumeXperts confirment et prolongent les observations faites dans la littérature scientifique des dix dernières années concernant les lactoremplaceurs riches en protéines :

  • Les travaux de Hill et al. (2016) et Chapman et al. (2016) montrent que des teneurs en protéines brutes de 27–28 %, similaires à celles utilisées dans le groupe « lactoremplaceur haute protéine », améliorent significativement la croissance et la digestibilité chez les veaux laitiers. Les résultats de l’étude belge confirment cette tendance chez une race à viande.
  • Dans la présente étude, le GMQ des veaux nourris avec un lactoremplaceur à 27 % PB et 4L/jour atteint 0,80 kg/j, très proche des 0,87 kg/j observés en allaitement maternel. Ce niveau de performance est comparable à celui observé dans les études de Jaeger et al. (2020) et Grice et al. (2020), où des régimes hyperprotéinés couplés à une fréquence d’alimentation adéquate permettent des croissances élevées.
  • Sur le plan métabolique, la progression de l’albumine chez les veaux BBB suit également les dynamiques décrites dans d’autres travaux. Par exemple, Morrison et al. (2009) ont montré que les effets d’un régime lacté riche en protéines se maintiennent dans le temps, avec une influence visible sur le métabolisme jusqu’au premier vêlage.
  • La réponse en BHB (>250 µmol/L dès la 10e semaine dans le groupe haute PB) renforce les conclusions de Schubert et al. (2022), selon lesquelles un apport protéique insuffisant retarde le démarrage des fermentations ruminales, clé de la transition vers l’alimentation solide.

Ainsi, l’étude RumeXperts non seulement corrobore les données issues de races laitières, mais étend leur validité aux veaux de races allaitantes, comme le Blanc-Bleu Belge, souvent peu représentés dans la littérature scientifique.


📚 Références

Delhez, P., Knapp, E., Meurette, E., Pauly, F., Lievens, F., Rao, A.-S., Gauthier, M., Jacques, G., & Theron, L. (2023). Effect of milk replacers varying in composition and feeding level on growth performance and blood metabolites in Belgian Blue calves. RumeXperts – Buiatrie 2023.
Poster original – Analyse basée sur données extraites.