Que sont les acides gras De Novo ?

La matière grasse du lait (MG) est composée de multiples acides gras (AG) que l’on peut regrouper en 3 grandes catégories en fonction de leur origine : De Novo (synthétisés dans la glande mammaire via les acides gras volatils du rumen), préformés (issus du prélèvement sanguin par la mamelle donc de l’alimentation ou de la circulation des graisses corporelles) et mixtes (origine De Novo et préformés). Dans le rumen, la fermentation des hydrates de carbone (cellulose, hémicellulose, pectines, sucres et amidon) entraîne la production d’acides gras volatils à chaîne courte, dont l’acétate (2 atomes de carbone) et le butyrate (4 atomes de carbone). Ces acides gras à chaîne courte sont les éléments constitutifs des acides gras De Novo dont la synthèse a lieu dans la glande mammaire. La longueur maximale de l’acide gras synthétisé de la sorte est de 16 carbones. Tout acide gras d’une longueur supérieure à 16 carbones provient très probablement d’acides gras à longue chaine prélevés directement dans le sang par la mamelle.

Ces acides gras peuvent provenir de l’alimentation (graisses ou bactéries) ou de la circulation des tissus adipeux. Étant donné que les acides gras à 16 carbones peuvent provenir soit d’une synthèse De Novo, soit d’aliments ou de tissus adipeux, ils sont souvent appelés « acides gras mixtes ». Les acides gras De Novo sensu stricto sont ceux dont la chaîne ne dépasse pas 14 carbones.

Pourquoi augmenter la concentration en acides gras De Novo du lait ?

L’augmentation des AG De Novo (g/100 mL de lait et g/100g ou %age de la matière grasse laitière) est synonyme de bon fonctionnement du rumen et d’augmentation des taux en matière utile du lait, ce qui se traduit par une augmentation du revenu du lait. Les données de tank à lait des troupeaux RumiSense révèlent des corrélations entre le taux de matière grasse du lait et les De Novo de 0,81 (g/100 mL) et 0,13 (g/100g), ainsi que des corrélations entre le taux de protéine du lait et les De Novo de 0,57 (g/100 mL) et 0,34 (g/100g). La matière grasse du lait est une combinaison d’acides De Novo, préformés et mixtes. Les acides gras provenant de l’alimentation (préformés) sont utilisés dans l’organisme à d’autres fins que la seule synthèse de la graisse du lait, tels que les processus biologiques, le maintien de l’état corporel et l’énergie pour la lactation. Les fourrages, ont une teneur en MG assez faible (<5 %), mais il est possible d’augmenter la teneur en MG de la ration en incluant des ingrédients riches en graisse ou des graisses rumino-protégées. Cependant, ces aliments sont souvent onéreux et leur inclusion doit être réalisée en respectant la santé du rumen (pas trop d’insaturés, pas trop de graisses). Les AG polyinsaturés sont toxiques pour le microbiote ruminal. En conséquence, les bactéries ruminantes vont saturer ces graisses. Cependant, lorsque la capacité naturelle des bactéries à saturer les graisses est dépassée, d’autres bactéries prennent le relais et synthétisent des acides gras qui bloquent la synthèse De Novo dans la mamelle. Cela entraîne une diminution du taux de matières grasses dans le lait. C’est ce qu’on observe au pâturage par exemple. Par ailleurs, les vaches n’ont pas une capacité exceptionnelle à émulsifier et à absorber les acides gras alimentaires. On remarque donc une diminution d’ingestion et du fonctionnement ruminale au-delà de 6-7% de matière grasse/kg de matière sèche, peut importe la source de graisse. Étant donné que les AG De Novo proviennent principalement de la fermentation des fibres et des sucres dans le rumen, l’augmentation de la matière grasse du lait à partir de la synthèse de De Novo est l’un des moyens les plus efficaces et les plus économiques d’améliorer le rendement en matière grasse du lait. Il a été démontré que les De Novo sont corrélés non seulement avec le taux de matière grasse du lait, mais également avec la teneur en protéines. En effet, une fermentation microbienne élevée dans le rumen est associée à une production accrue d’acides gras De Novo et de protéines microbiennes. Une fermentation ruminale efficace génère davantage d’acides gras volatils, qui sont nécessaires à la synthèse des acides gras De Novo. Par ailleurs, une bonne activité microbienne dans le rumen favorise la production de protéines microbiennes, lesquelles contribuent directement à la synthèse des protéines dans le lait.

Stratégies pour augmenter les acides gras De Novo du lait

Il y a plusieurs façons d’améliorer le profil en acides gras du lait et d’augmenter les De Novo. Différentes études ont été réalisées récemment sur le sujet (Woolpert et al., 2016 2017 ; Ungerfeld et al., 2017 ; Castro et al. 2022 ; Walter et al., 2023) et ont révélé différents facteurs liés à la nutrition, au bien-être et à la santé :

Nutrition

• Améliorer la structure physique de la ration en amenant plus de fibres pour favoriser la rumination et éviter l’acidose. Attention aux fibres trop longues qui risquent d’être triées.
• Respecter les normes d’hydrates de carbone fermentescibles (faire tourner le rumen sans risque d’acidoses)
• Amener de la fibre digestible, trop de fibre fait également diminuer le taux de Mg du lait parce que le rumen est “bloqué” et que l’ingestion est diminuée. Il ne suffit donc pas d’augmenter la quantité de fibres de la ration mais optimiser leur digestion et surtout augmenter l’ingestion des animaux.
• Amener des sucres sans exagérer.
• Faire attention aux aliments riches en acides gras polyinsaturés comme l’herbe jeune ou les graines oléagineuses qui contribuent à diminuer les De Novo et la matière grasse totale du lait. La supplémentation en matière grasse saturée (et éventuellement ruminoprotégée) diminue les De Novo mais peut augmenter le taux de matière grasse globale par augmentation des préformés.
• Favoriser les prises de nourritures plus fréquentes et en petites quantités et homogènes (peu de tri) dans la journée pour maintenir un pH ruminal plus stable (bâtiment, dynamique distribution, ordre dans la mélangeuse, repousser les rations, “coller” les concentrés aux fibres, fibres pas trop longues,…).

Bien-être

• Réduire le stress et éviter la compétition à l’étable en faisant en sorte d’avoir suffisamment de place dans le bâtiment, les logettes, aux tables d’alimentation et abreuvoirs. L’accessibilité et la propreté des abreuvoirs est importants pour que les vaches boivent suffisamment et ruminent bien.
• Vérifier le confort des zones de couchage (logettes, aires paillées).
• Surveiller le risque de stress thermique. RumiSense permet de surveiller le THI (index de température-humidité) pour évaluer les périodes de stress thermique et fournit des conseils pour agir en conséquence (aération et ventilation des bâtiments, rentrer les vaches lors des pics de chaleurs, etc).

Santé

• Surveiller l’état de santé général des animaux, prévenir les maladies métaboliques comme l’acidose ou l’acétonémie. RumiSense est centré sur la prévention et permet de détecter des déviations suffisamment tôt pour pouvoir agir avant qu’un problème de santé ne s’installe et n’impacte la fonction ruminale.
• Prévenir les boiteries qui diminuent l’ingestion et peuvent créer des petites acidoses de repas ou diminuer l’efficacité du rumen.