QUELS DEVELOPPEMENTS POUR LES BIOTECHNOLOGIES DE LA REPRODUCTION ?

Référence : Mikkola M. et al. Recent advancements to increase success in assisted reproductive technologies in cattle. Anim Reprod. 2024;21(3):e20240031. https://doi.org/10.1590/1984-3143-AR2024-0031

LES BIOTECHNOLOGIES DU SPERME

L’évaluation du potentiel de reproduction des taureaux se base classiquement sur la mesure du périmètre scrotal, de sa libido et des caractéristiques du sperme. Le recours au machine learning permettrait d’augmenter la précsion de l’analyse du sperme. Le recours aux caméras 3D et au deep learning augmenterait la qualité de la mesure du périmètre scrotal.
La congélation/décongelation du sperme altère la membrane plasmique, l’intégrité de l’acrosome et augmente la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS). L’addition d’antioxydant au dilueur fait l’objet de recherches tout comme l’identification de biomarqueurs de la sensibilité à la congélation qui présente une grande variabilité individuelle.
La qualité du sperme est de plus en plus systématiquement analysée au moyen du système CASA (CASA : Computer assisted sperm analysis). Les résultats peuvent dépendre du système utilisé. La sélection de spermatozoïdes plus « fertiles » peut dans un second temps être réalisée par centrifugation et couplée à leur sexage. Cette procédure n’a pas encore fait l’objet d’évalutaions sur le terrain.
Les techniques dites omiques (transcriptomique, métabolomique, protéomiques) sont de plus en plus fréquemment appliquées à l’examen du sperme. Elles n’ont pas encore permis d’identifier un marqueur biologique de la fertilité du sperme. Récemment une méthode spectroscopique dans le moyen infra rouge a été proposée. Elle permettrait de conditionner du sperme présentant une plus grande fertilité (Fertimax©).
Une gestion plus souple du moment de l’insémination peut s’envisager si le sperme est avant sa congélation encapsulé dans de l’alginate, une substance à base d’algue qui immobilise les spermatozoïdes et en permet la libération contrôlée et prolongée. Le recours à ce sperme appelé c n’entraîne au contraire aucune réduction de la fertilité.
Le sexage du sperme se base actuellement sur l’identification par fluorescence de la différence de contenu en ADN des spermatozoïdes X et Y (l’X renferme 3,8 % plus d’ADN de plus que l’Y). Au Royaume Uni, en 2023, le serme sexé représentait 75 % des ventes de sperme en élevage laitier. Le sperme sexé s’accompagne d’une réduction moyenne de 23 % du pourcentage de gestation. Il est vraisemblable qu’à l’avenir la protéomique et les nanotechnologies offriront des méthodes alternatives de sexage du sperme.
L’insémination hétérospermique consiste à utiliser du sperme provenant de 2 à 3 taureaux différents. Les effets d’une telle pratique restent à évaluer sur le terrain.
Le recours à du sperme liquide (c’est-à-dire non congelé) est davantage répandu en Nouvelle-Zélande et en Irlande, pays où la reproduction est bien plus saisonnière. Il offre la possibilité d’utiliser plus rapidement après la naissance et durant 1 à 6 jours les jeunes taureaux dont on sait que le volume d’éjaculat est moindre que chez les taureaux plus âgés. L’utilisation de 2 à 10 millions de spermatozoïdes par paillette permettrait d’optimiser le volume de l’éjaculat. Ce faisant, l’intervalle entre générations se trouverait raccourci et le sperme moins exposé aux effets négatifs de la congélation.

LES BIOTECHNOLOGIES DE L’EMBRYON

La sélection des femelles donneuses d’embryons obtenus in vivo par un traitement de superovulation ou in vitro par le prélèvement des COCs (OPU) peut être améliorée par (1) le dénombrement échographique des petits follicules cavitaires (AFC : Antral Follicular Count) et (2) le dosage de l’hormone anti Mullérienne (AMH : AntiMullerian Hormone) dont la concentration est proportionnelle au nombre de follicules cavitaires. L’évaluation de l’AMH peut s’envisager entre la naissance et le sevrage. Il est vrai cependant que les concentrations observées sont très variables entre les individus et dépendant de l’espèce. Elles sont plus élevées chez Bos indicus que chez Bos taurus à viande et que chez Bos taurus laitière. D’autres facteurs sont de nature à réduire la concentration de l’AMH et le nombre de follicules cavitaires chez ladescendance des femelles concernées : une restriction alimentaire pendant le 1er tiers de gestation, une croissance excessive de la génisse avant sa premère insémination, une augmentation de la production laitière et des cellules somatiques, le stress thermique…
Une réduction de l’intervalle entre générations peut être obtenue si le prélèvement des COCs est assuré par laparoscopie sur des animaux prépubères. Cette méthode implique cependant une amélioration des protocoles hormonaux susceptibles d’assurer un développement optimal des follicules et pose en Europe tout au moins le problème du bien-être des animaux prélevés.
Une méthode alternative visant à réduire l’intervalle entre générations est de combiner la sélection génomique et la production d’embryons à partir de cellules souches pluri-potentes (blastoïdes ou pseudo-embryons) embryonnaires.
Le prélèvement des COCs par OPU (80 % des embryons transférés en 2022 ont été produits in vitro) est précédé dans 90 (Europe) et 70 % (USA) des cas d’un traitement hormonal de stimulation de la croissance folliculaire. Ce traitement consiste en l’injection de la FSH porcine (p-FSH) ou d’une FSH recombinante (r-FSH) qui offre le double avantage d’offrir une plus grande biosécurité (moins de proténes injectées) et d’avoir une plus grande demi-vie (moins d’injections à réaliser). L’eCG constitue une alternative mais pose le problème du bien-être des juments gestantes prelevées. L’augmentation du nombre d’ovocytes compétents à la fin de la phase de maturation in vitro implique une adaptation du protocole de stimulation (méthode du coasting), l’utilisation éventuelle d’agents inhibiteurs de la meiose voir le recours à des systèmes de culture des ovocytes qui miment advantage le milieu de l’oviducte (microfluidic chip system).
Il est également important d’améliorer la méthode de sélection des embryons transférables. Classiquement cette selection s’opéré sur base de critières morphologiques définis par l’International Embryo Technology Society (IETS). L’imagerie de type time-lapse permet d’enregistrer le moment de la première division cellulaire et le nombre de blastomères. La méthode a ses limites. Le recours à l’autofluorescence et à la microscopie hyperspectrale permet d’évaluer certains composants métaboliques de l’embryon tels le NADH (nicotinamide adenine dinucleotide). Le recours à la tomographie optique (Optical coherence tomography : OCT) devrait permettre de mieux évaluer le volume du bouton embryonnaire (Inner Cell Mass : ICM) et l’épaisseur du trophectoderme. L’analyse du génome, transcriptome, épigenome, protéome et métabolome de l’embryon devra permettre à l’avenir d’identifier les biomarqueurs représentatifs de la qualité d’un embryon à transférer.
Classiquement, la congélation lente ou par vitrification des embryons (en 2022, 44 % des embryons transférés étaient congelés) en diminue le pourcentage de gestation. La vitrification requiert l’utilisation d’une concentration élevée d’agents cryoprotecteurs qui lors de la décongélation devront être enlevés par passage de l’embryon dans différents bains. Récemment, une méthode alternative a été proposée pour éviter ces manipulations et permettre un transfert direct. Elle mériterait d’être évaluée. Une amélioration de la vitrification pourrait être obtenue par le recours à d’autres agents cryoprotecteurs tels des nanoparticules de graphène ou d’or. La méthode doit encore être testée sur les embryons bovins. La congélation lente est plus pratique pour le transfert de l’embryon. La vitrification protège davantage les premiers stades de développement de l’embryon que la congélation lente mais une méta-analyse a démontré l’obtention de pourcentages de gestation comparables après le transfert (Arshad et al. Cryobiology 2021). Il est intéressant de noter que le taureau pourrait également influencer la capacité des embryons à être congelé. Les % de gestation sont compris selon les taureaux entre 28.3 to 52.5% pour les embryons frais et entre 7.7 et 61.6% pour les embryons congelés.
L’intelligence artificielle (Machine learning et Deep Learning) a également des applications dans le domaine des biotechnologies de la reproduction. Elle serait capable d’analyser les images enregistrées lors du développement de l’embryon et d’en évaluer la qualité. Elle trouve également une application dans l’analyse des images captées par une caméra 3D utilisé pour évaluer la cironférence et le volume scrotal. Son utilisation implique néanmoins de pouvoir disposer d’un nombre suffisant de données et d’évaluer sur le terrain les résultats proposés par le ML.