SERIONS-NOUS DEVENUS AVEUGLES FACE AUX PROBLEMES DE MORTALITES/MORBIDITES NEONATALES ? PREMIERE PARTIE : LE CONSTAT

REFERENCE : Mee J. Denormalizing poor dairy youngstock management: dealing with “farm-blindness” Journal of Animal Science, 2020, Vol. 98, No. Suppl. 1, S140–S149.

Beaucoup d’éleveurs ont tendance à reconnaître comme normal ce qui est propre à leur exploitation et à considérer comme une nouvelle norme ce qui peut être observé dans une autre. Ce syndrome est appelé  farm blindness. Il traduit une erreur de perception d’une réalité. Il est propre à divers milieux professionnels et a été décrit en 1961 déjà. Cet aveuglement peut être de nature défensive : on refuse d’admettre comme alarmante une situation par crainte de devoir y faire face. Il peut aussi résulter d’un manque de connaissances.

Cet aveuglement résulte d’un manque de données permettant de quantifier le problème ou d’une sous-estimation de l’importance du problème. Un exemple serait l’absence d’enregistrement d’une mortalité néonatale avant le délai d’identification du veau concerné. Un autre exemple en serait l’absence de notation des cas d’avortements. Ainsi en Irlande ou en France 60 à 90 % des cas d’avortements ne sont pas renseignés. En Norvège, on estime que 40 % des cas de diarrhée ou de pathologies respiratoires ne sont pas renseignés.

Cet aveuglement résulte aussi du fait que le problème n’est pas considéré comme un problème par l’éleveur. Ainsi au Canada, 20 à 50 % des cas de mortalité néonatale sont sous-estimés par les éleveurs. Ils sont 94 % à ne pas considérer cette mortalité comme un problème alors qu’en fait son % est de 8,8 %. Aux Pays-Bas, 57 % des éleveurs n’ont pas conscience de la gravité du problème qui en fait concerne > 10 % des veaux. Bien entendu, cette perception diffère entre éleveurs mais aussi entre éleveurs et vétérinaires.

Ce double aveuglement a plusieurs origines.

Il peut y avoir un phénomène de desensibilisation : à force de rencontrer toujours le même problème, on en arrive à ne plus le considérer comme tel. La routine engendre une certaine inertie fataliste. Il peut y avoir également un manque de perception des changements parfois subtils observés. Enfin, nombre d’éleveurs ne comparent pas leurs pratiques et leurs résultats.

La mortalité et la morbidité des veaux entre le vêlage et le sevrage constituent des facteurs majeurs qui hypothèquent la rentabilité économique de l’élevage. Ses facteurs sont de nature infectieuse, environnementale, alimentaire ou de gestion. Leur nature a été illustrée par diverses enquêtes de pratiques des soins réservés aux nouveaux-nés. Nous y reviendons dans un second article.