L’analyse du profil en acides gras du lait : une approche préventive pour optimiser la santé des vaches laitières et prévenir les troubles métaboliques
En résumé
|
Le lait contient trois catégories d’acides gras en fonction de leur origine: de novo, mixtes et préformés. L’analyse des variations des acides gras permet de détecter des troubles métaboliques comme l’acidose subclinique ou des déficits énergétiques. Une surveillance régulière via les analyses du lait de tank, et bientôt individuelles, aide à suivre la santé du troupeau et à ajuster rapidement l’alimentation. La plateforme RumiSense de RumeXperts, grâce à son nouveau module dédié aux acides gras, constitue un outil efficace pour anticiper ces déséquilibres et prévenir les problèmes métaboliques. |
Les Acides Gras du Lait en un Coup d’Œil
Le lait de vache contient environs 400 acides gras différents, dont une quinzaine s’y trouve dans des proportions significatives. Ils peuvent être quantifiés grâce à l’analyse infrarouge du lait, réalisée en routine au Comité du Lait sur le lait de tank et le lait individuel. Les acides gras peuvent être classés en trois grandes catégories selon leur origine : les acides gras De Novo, les acides gras mixtes et les acides gras préformés.
- Les acides gras De Novo sont des acides gras à chaine courte synthétisés directement dans la glande mammaire à partir des substrats fournis par l’alimentation, principalement les fibres et les sucres (acétate et butyrate ruminaux).
- Les acides gras préformés, quant à eux, sont des acides gras à chaîne longue qui sont prélevés directement dans le sang par la mamelle. Ils peuvent provenir de la circulation des graisses corporelles ou de la ration (graisses alimentaires, graisses de la composition des microbes ruminaux,…).
- Les acides gras mixtes sont des acides gras à moyenne chaîne qui ont une double origine (De Novo et alimentaire).
Plus d’informations dans cet article : https://www.rumexperts.vet/training/public-les-acides-gras-du-lait

Les Acides Gras comme Indicateurs de la Santé Métabolique
Les proportions de ces acides gras dans le lait peuvent varier en fonction de plusieurs facteurs, notamment la composition de l’alimentation, l’état de santé du rumen, et le métabolisme global de la vache. Il a été démontré, à la fois par des essais scientifiques et des données de terrain, que l’analyse des variations des trois principales catégories d’acides gras du lait permet de détecter précocement des troubles métaboliques chez la vache laitière, notamment l’acidose subclinique et les déficits énergétiques.
L’acidose subclinique
L’acidose subclinique survient lorsque le pH du rumen reste en dessous du niveau optimal pendant trop longtemps en raison d’une fermentation excessive des glucides facilement fermentescibles, d’un manque de structure physique ou chimique ou d’un tri important de la ration. Les symptômes ne sont pas toujours évidents, mais ils peuvent inclure une baisse de l’efficacité de la ration et de la production, un état général altéré, des complications digestives telles que des abcès hépatiques ou des ulcères, des boiteries de type fourbures, une ingestion irrégulière avec des bouses de consistance variable, et un rumen parfois vide. Dans le lait, on pourra observer une réduction de la quantité et de la proportion d’acides gras De Novo, car les fibres alimentaires ne sont pas suffisamment fermentées pour produire les précurseurs nécessaires à leur synthèse.
Estimer les déficit énergétiques, d’ingestion et les acétonémies
Chez la vache laitière, un déficit énergétique peut être causé par plusieurs facteurs, tels qu’une ingestion insuffisante, une ration de qualité insuffisante ou des besoins énergétiques trop élevés. L’acétonémie, ou cétose, est un trouble métabolique qui survient lorsque les vaches mobilisent excessivement leurs réserves de graisse pour compenser un manque d’énergie (balance énergétique négative). Ce trouble se manifeste surtout en début de lactation. Les symptômes cliniques de l’acétonémie incluent une baisse de production, d’appétit, un abattement, des atteintes neurologiques et un amaigrissement important. La forme latente (subclinique) est plus fréquente et ne présente pas de symptômes visibles, ce qui la rend difficile à diagnostiquer. Cette forme augmente le risque de développer d’autres maladies (mammites, métrites, déplacements de caillette, troubles d’infertilité) et diminue les performances zootechniques (production, efficience alimentaire, reproduction). Les déficits énergétiques et l’acétonémie entraînent une augmentation de la quantité et de la proportion en acides gras préformés dans le lait (particulièrement les C18 :1), signe que la vache puise dans ses réserves corporelles plutôt que de produire de l’énergie à partir des glucides alimentaires. On observe aussi une diminution de la proportion en acides gras De Novo et mixtes (C16 :0). Ces variations seront surtout pertinentes à observer dans les analyses de lait individuelles. Il est important de se rappeler que le lait de tank est un mélange du lait de toutes les vaches, qui se trouvent à différents stades de lactation. La proportion de vaches dans un troupeau réellement acétonémie est au maximum de 70% des animaux en début de lactation (0-30 jours de lait), ce qui signifie qu’elles ont une influence limitée sur le lait de tank. Cependant, ces modifications des quantités et proportions en acides gras du lait de tank peuvent permettre d’avoir d’appréhender les déficits énergétiques, d’ingestion et les acétonémies.
Plus d’informations dans cet article : https://www.rumexperts.vet/training/public-la-detection-des-maladies-metaboliques-grace-aux-analyses-du-lait
Utilisation des profils en acides gras pour la prévention – Conseils pratiques
Les éleveurs et leurs conseillers peuvent utiliser les profils en acides gras du lait comme un outil de gestion proactive pour surveiller et prévenir de potentiels troubles métaboliques. En surveillant régulièrement les évolutions de ces profils, il est possible de détecter les premiers signes de déséquilibres métaboliques et d’intervenir avant qu’ils ne se transforment en problèmes de santé majeurs.
Surveillance régulière
Les analyses individuelles (contrôle laitier) permettent un suivi personnalisé de chaque animal avec des données officielles et standardisées collectées toutes les 4 à 6 semaines. Les analyses de lait de tank, au contraire, permettent un suivi global à l’échelle du troupeau afin d’optimiser son alimentation et sa gestion dans son ensemble. L’avantage est la fréquence d’obtention des données tous les 2-3 jours, permettant un suivi plus régulier et donnant ainsi la possibilité d’agir rapidement en cas d’anomalie. Le profil en acides gras du lait réagit rapidement aux changements métaboliques, avec des variations apparaissant et disparaissant en quelques jours après l’apparition et la résolution d’un désordre métabolique. Cela permet une intervention rapide.
Interpréter avec les autres composants du lait
Pour un diagnostic plus précis, il est utile d’analyser les mouvements des acides gras du lait par rapport aux autres composants, tels que les taux de matière grasse globale, de protéine et d’urée. Par exemple, un taux de matière grasse trop élevé avec un taux de protéines faibles (rapport matière grasse/protéines > 1.4) pourrait indiquer un risque de carence énergétique, protéique, un déficit d’ingestion, ou une acétonémie. A l’inverse, un rapport matière grasse/protéines trop faible (<1.1) pourrait être un signe d’acidose. Il est important de toujours analyser ces ratios en tenant compte des niveaux réels de matière grasse et de protéines et de leur différence pour éviter les conclusions hâtives. L’observation de la teneur en urée doit être faite en parallèle avec le taux protéique. Par exemple, des taux faible d’urée et de protéines peuvent indiquer un apport énergétique et protéique trop faible par l’alimentation, ce qui peut contribuer à la balance énergétique négative. N’hésitez pas à contacter votre nutritionniste ou l’équipe RumeXperts pour affiner votre interprétation.
Tenir compte de la ration
Il est important de tenir compte de la ration du troupeau pour interpréter correctement les niveaux d’acides gras du lait. Une modification du profil en acides gras du lait n’est pas forcément liée à un déséquilibre métabolique. Par exemple, indépendamment de l’état de santé des animaux, une complémentation avec des coproduits à base de palme augmente la teneur en acides gras mixtes du lait. L’ajout d’huile dans la ration ou de tourteau de colza augmente les acides gras préformés.
Se comparer à sa propre norme en fonction des saisons
Il existe des variations importantes dans la composition du lait entre les troupeaux en fonction de la race, du stade de lactation, de la saison, de la composition de la ration, du comportement alimentaire et du management du troupeau. Par exemple, le lait des vaches de race Jersey est ~25% plus riche en acides gras De Novo que celui des vaches Holstein. Pour les troupeaux qui pâturent, les teneurs en matière grasse globale, acides gras De Novo et mixtes du lait sont plus faibles en été (sortie à l’herbe) qu’en hiver, alors que les acides gras préformés ont tendance à augmenter. Ceci est dû aux apports en acides gras polyinsaturés très élevés de l’herbe fraîche et à sa faible teneur en fibres. Il est également crucial de considérer les différentes interventions, telles que l’ouverture d’un nouveau silo. Il faut tenir compte de ces variations et différences de niveaux propres au troupeau pour l’interprétation des données. L’idéal est de comparer le troupeau par rapport à son propre historique ou à des troupeaux similaires pour détecter des anomalies (par ex augmentation ou diminution subite d’une catégorie d’acides gras par rapport à son historique ou aux troupeaux similaires, variabilité dans le temps plus importante que d’habitude, etc) plutôt que de se comparer à des normes généralistes.
Conclusion
Les acides gras du lait fournissent des informations précieuses sur la santé métabolique des vaches laitières. En surveillant régulièrement ces indicateurs, les éleveurs peuvent non seulement prévenir les troubles métaboliques, mais aussi optimiser la production laitière et la santé globale du troupeau. L’intégration de cette approche dans la gestion quotidienne du troupeau apporte un réel avantage pour le bien-être des animaux et la rentabilité des exploitations laitières. La plateforme Rumisense de Rumexperts a récemment lancé un système d’analyse automatique des acides gras du lait de tank, avec des alertes intégrées pour détecter les anomalies. A l’avenir, les analyses individuelles des acides gras ouvriront la voie à une surveillance encore plus précise, avec la Belgique à la pointe grâce à la convention Futurospectre, Gembloux Agro-Bio Tech, le CRA-W, Elevéo et la plateforme WALLeSmart.
Références
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022030217305246
https://lactanet.ca/en/the-milk-fatty-acid-profile-what-else-can-we-learn/
https://www.cambridge.org/core/journals/animal/article/review-metabolic-challenges-in-lactating-dairy-cows-and-their-assessment-via-established-and-novel-indicators-in-milk/0FF96E374E681C022CA126447B375E55
https://www.web-agri.fr/sante-animale/article/206727/analyse-des-acides-gras-dans-le-lait
