Et pourquoi pas allonger volontairement la durée de la lactation ?
CONTEXTE
Classiquement une période d’attente (PA) de 40 à 60 jours est recommandée en élevage laitier. Compte tenu de l’augmentation moyenne de cette production avec les années, on est en droit de se demander si l’allongement de cette période ne devrait pas être plus systématiquement adaptée au niveau de production et cela pour plusieurs raisons : (1) Une augmentation de la production s’accompagne d’un risque accru de bilan énergétique négatif et donc d’une réduction de la fertilité ; (2) cet allongement permettrait d’optimiser la production laitière en fin de lactation et d’assurer avec moins de risques une période de tarissement de 45 voire 60 jours; (3) Cet allongement permettrait également d’assurer une durée de période de transition plus optimale et de réduire la prévalence des pathologies du postpartum ; (4) le recours plus intensif à du sperme sexé permet de réduire le nombre de génisses de remplacement nécessaire et réduit l’importance d’une réduction de l’intervalle entre vêlages.
Cette stratégie d’allongement de la PA pose néanmoins la question de ses effets sur les performances de reproduction et de production. Une étude a été menée en Allemagne dans un troupeau de 1092 vaches en lactation, produisant 11.488 kg en 305 jours en moyenne, traites au robot 3,2 fois par jour, et nourries au moyen d’une ration totale mélangée dont la composition varie en fonction du stade de tarissement ou de lactation. Le tarissement était décidé 45 jours avant le vêlage ou lorsque la production était inférieure à 15 kg de lait. Toutes les vaches de cette exploitation font l’objet d’un suivi de reproduction. L’étude ne concerne que des vaches qui n’ont pas présenté de pathologies du postpartum telles que dystocie, métrites cliniques ou puerpérales, endométrites.
DONNEES GENERALES
- Troupeau allemand de 1092 vaches de race Holstein (11.488 kg de lait en 305 jours).
- % de gestation en 1ère insémination : 32 % et intervalle de vêlage moyen : 422 jours
- Stabulation libre en logettes
- Tarissement de 6 semaines ou si la production est inférieure à 15 kg durant 5 jours consécutifs.
- Traite au moyen de 21 robots de type Lely Astronaut (3,2 traites par jour en moyenne, un robot pour 47 vaches)
- Ration mixte mélangée (ensilages de maïs, herbe, paille, mélasses et concentrés, distribuée deux fois par jour)
- Vaccination annuelle contre l’IBR et troupeau exempt de BVD
- Examen journalier des animaux jusque 10 jours postpartum et contrôle d’involution utérine 40 jours après le vêlage. Les vaches présentant des follicules <12 mm mais pas de corps jaune (« ovaires inactifs ») ne font pas l’objet d’un traitement hormonal.
- Détection des chaleurs par le robot et par le personnel complété d’une vaginoscopie.
- Confirmation de la gestation par échographie (42 à 49 J) et par palpation (90 à 100 jours).
- Constitution de trois groupes expérimentaux selon la durée de la période d’attente de 40, 120 ou 180 jours (135 à 141 vaches par groupe).
- Les animaux présentant un retard d’involution ou des signes d’infections utérines sont exclus de l’étude.
- Application du protocole Ovsynch aux animaux qui n’ont pas manifesté de chaleurs à la fin de leur période d’attente ou pour lesquels un constat négatif de gestation a été posé lors du constat échographique.
- Evaluation du score corporel par inspection visuelle et par échographie (gras du sacrum) au vêlage et puis à 15, 30, 45, 60,90, 120,180 et puis tous les deux mois jusqu’au tarissement.
- Analyse de la conductivité par le robot. Si cette conductivité est > 70, l’animal fait l‘lobjet d’un examen pour identifier la présence ou non d’une mammite clinique accompagnée de signes locaux (lait, pis) et/ou généraux.
- Toutes les vaches ont fait l’objet d’un contrôle mensuel du lait : MG, urée, lactose et cellules,
- Prise en compte des lactations d’une durée maximale de 600 jours.
- Réforme des vaches (n=16) si leur production était inférieure à 15 Kg de lait par jour durant 5 jours.
LEURS OBSERVATIONS
Les principales sont consignées dans les deux figures associées.
Le pic de production laitière est observé 53 jours en moyenne après le vêlage. Il est plus tardif chez les primipares (62,6 jours) que les pluripares (49 jours). La production au pic est de 45.8 litres. Elle est en moyenne moins élevée chez les primipares (38.8 Kg) que les pluripares (50.4 Kg).
Les productions laitières n’ont pas été statistiquement différentes au cours des 200 premiers jours de lactation entre les trois groupes de vaches.
Les productions laitières journalières moyennes jusqu’au 365ème, 419ème et 446ème jour de lactation (dates de tarissement pour les trois groupes de vaches) furent respectivement de 34.8, 34.7 et 34.5 pour les vaches des 3 groupes. La durée de la PA n’exerce aucune différence significative sur les courbes de lactation au cours de la lactation.
La durée du tarissement fut plus longue pour les vaches du groupe 180 (57.9) que pour celles du groupe 40 (48.4).
Les productions laitières au moment du tarissement furent respectivement de 19.1 kg pour les vaches des groupes 120 et 40 et de 16.9 pour celles du groupe 180. Cette différence n’est pas significative. Respectivement 34.2, 37.6 et 53 .6 % des vaches furent dans les trois groupes taries avec une production < 15 kg/J.
Le % de vaches réformées fut plus élevé dans les groupes 2 (17.0 %) et 3 (20.9 %) que dans le groupe 1 (11.1 %) (P<0.06). Le % de vaches réformées pour cause de sous-production fut plus élevé dans le groupe 3 (7.9 %) que dans les groupes 1 (0.7 %) et 2 (2.8 %) (P<0.01).
Les numérations cellulaires n’ont pas été statistiquement différentes entre les trois groupes jusqu’au 330ème jour de lactation. Par la suite on observe une augmentation de leur nombre avec la durée de la lactation. La fréquence des mammites fut comparable dans les trois groupes de vaches (34.8, 44.7 et 45.3). Les vaches du groupe 180 ont davantage été réformées par la suite que les vaches des autres groupes. Une sous-production laitière en a été le plus souvent la raison. Les pluripares ont présenté de moins bons paramètres de santé mammaire que les primipares.
Les scores corporels furent comparables entre les trois groupes jusqu’au 240ème jour de lactation. Au moment du tarissement, le % de vaches avec un score > 3.5 fut significativement plus élevé dans le groupe 3 (35.9) que dans les groupes 1 (21.6 %) ou 2 (19.6 %).
DISCUSSION
L’étude confirme l’intérêt d’un allongement volontaire de la lactation non seulement sur le plan quantitatif mais également qualitatif c’est-à-dire en terme de production de matières utiles, aspect qui peut être intéressant pour les exploitations produisant du lait pour la fabrication de fromages où dont le lait est payé en fonction de ce taux de matières utiles. Cette production plus élevée traduit une meilleure persistance du fait que la gestation s’observe plus tardivement.
L’allongement de la durée de la lactation n’a pas d’effets sur la santé mammaire.
Cet allongement entraîne un meilleur état corporel, surtout chez les pluripares, à l’entrée de la période de tarissement.
Reste bien entendu à analyser de manière plus spécifique l’impact économique de cet allongement de la lactation.
Un allongement de la durée de la lactation ne réduit pas la production laitière moyenne. Elle aurait même un effet bénéfique sur la quantité de matières solides produite ce qui peut constituer un avantage économique.
Comme d’autres études, cette étude n’observe aucun effet négatif de l’allongement de la lactation sur le risque de mammites.
La comparaison entre primipares et pluripares donne à penser que les premières seraient de meilleurs candidates à un allongement de la lactation que les secondes du fait de leur meilleure persistence.


