LA RETENTION PLACENTAIRE : UNE VIELLE PATHOLOGIE, DE NOUVELLES PERSPECTIVES ?
REFERENCE : Amin YA et Hussein HA. Latest update on predictive indicators, risk factors and 'Omic' technologies research of retained placenta in dairy cattle – A review. Reprod Dom Anim. 2022;57:687–700.
CONTEXTE
La majorité des auteurs s'accordent pour définir une rétention placentaire par l'absence d'expulsion du placenta dans les 24 heures suivant le vêlage. Sa prévalence moyenne est plus élevée chez la vache laitière (8 %) qu'à viande (3,9 %) (Voir la figure associée). Ses conséquences négatives sur les performances de reproduction mais aussi économiques ne sont plus à démontrer.
Les technologies dites omics (génomics : identification des gènes, transcriptomics : identifciation des mRNA, métabolomic : caractérisation des concentrations des metabolites plasmatiques, protéomics : caractérisation des protéines…) offrent de nouvelles perspectives dans la compréhension du mécanisme complexe de la rétention, de son apparition possible et donc de la mise au point de stratégies thérapeutiques préventives ou curatives.
PARAMETRES SANGUINS
Diverses études ont caractérisé les concentrations physiologiques de divers paramètres métaboliques et inflammatoires chez des vaches normales ou ayant présenté une rétention placentaire (Voir le figure associée).
J'attire votre attention sur le fait qu'une concentration sérique en urée > 10,25 mg/dl (Lu et al. 2020), 7 jours avant la parturition est un bon marqueur de prédiction d'une rétention. Cette augmentation s'accompagnerait d'une inflitration moindre du placenta par les cellules inflammatoires et d'une augmentation de la congestion des petits vaisseaux placentaires. Elle est également susceptible d'induire davantage d'œdème au niveau du placenta, toutes conditions favorisant le risque de rétention. Une meilleure compréhension du mécanisme de la rétention impliquera davantage de recherches sur la métabolomique des facteurs impliqués et notamment dans le stress oxydatif.
NEUTROPHILES, CYTOKINES ET CORTISOL AU CŒUR DU PROBLEME
L'expulsion du placenta (phase 3 de la parturition) constitue la fin du processus de maturation placentaire qui a commencé deux semaines plus tôt. On le sait, le cortisol est l'hormone clé qui va déclencher la cascade hormonale (suite à l'effet du CRH et de l'ACTH) aboutissant à l'expulsion du veau et… du placenta. Elle possède malheureusement aussi la capacité de réduire l'immunité et favoriser la rétention et les infections utérines. L'utérus va devoir passer d'une période durant laquelle l'unité foetoplacentaire s'est maintenue grâce à une protection immunitaire (activité à prédominance anti-inflammatoire) à une phase (période de transition) durant laquelle cette protection va devoir disparaître et faire la place à une activité pro-inflammatoire. Le processus est complexe et on peut comprendre qu'il y ait des « ratés » et donc des rétentions.
Leucocytes et cytokines sont largement impliqués dans la maturation placentaire, le cortisol en contrôlant les effets. Ainsi, en cas de rétention, on observe une diminution du nombre mais aussi de de la chemotaxie et de la capacité phagocytaire des neutrophiles, suite et notamment à la diminution de la concentration d'une cytokine, l'interleukine IL-8. La présence d'un bilan énergétique négatif (BEN) va également contribuer à altérer la fonction des neutrophiles du fait de la diminution de la glycémie, de l'augmentation des AGNE et du BHBA. A l'approche de la parturition, le nombre de macrophages augmente. Le rôle respectif de leurs deux phenotypes (M1 : proinflammatoire et M2 impliqués dans l'angiogenèse) devrait être précisé.
D'AUTRES CENTRES D'INTERET
L'héritabilité de la rétention serait selon les études comprise entre 0.004 et 0.22. Elle serait plus élevée chez les races mixtes.
La maturation placentaire se traduit par une altération de l'épithelium placentaire et notamment par une réduction du nombre de cellules binuclées responsables de la synthèse des PAG (Protéine associée à la gestation) sans que pour autant la concentration en PAGs diminue. Cette réduction du nombre de cellules binuclées est bien moindre en cas de rétention. Il reste à investiguer davantage le rôle spécifique des diverses PAGs au moment de la parturition.
Diverses études s'orientent maintenant vers l'analyse des protéines plus spécifiquement constitutives des parties fœtales et maternelles du placenta dont les proteoglycans éléments essentiels de la matrice extracellulaire (MEC) qui fournissent un support structurel et biochimique aux cellules environnantes.
Les micro-ARN sont à la différence des ARN messager des ARN non codants qui peuvent néanmoins en modifier l'activité. Ils interviendraient dans la régulation de l'activité du Vascular Endothelial Growth Factor (VGFA), facteur impliqué dans le mécanisme de la rétention placentaire.

